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A l’ère de l’anti-gaspi : prolongeons le plaisir

Interview de Guillaume Garot, Ancien Ministre délégué à l’Agroalimentaire dans le Gouvernement Ayrault et Député de la Mayenne

Le 9 décembre 2015, la loi sur le gaspillage alimentaire a été votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Elle fait suite au rapport que vous avez remis au Gouvernement en avril dernier. Certaines des mesures préconisées ont-elles d’ores et déjà été mises en œuvre ?

Des mesures ont été engagées, notamment la campagne de communication de l’ADEME* « Réduisons nos déchets, ça déborde », dont une des déclinaisons traite du gaspillage ali-mentaire. On y trouve des conseils pour acheter et cuisiner les produits en juste quantité, les conserver et les utiliser dans des conditions optimales afin de moins jeter. L’appel à projet de la Ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, « Territoires zéro gaspillage, zéro déchet » va également dans ce sens. La pré-vention est en effet un des premiers principes sur lesquels se fonde la lutte contre le gaspillage.
Informer est donc essentiel, sur les réseaux sociaux en parti-culier. Ce type de campagne a prouvé son efficacité et reste peu coûteux pour l’Etat. La formation des professionnels est également centrale. En 2013, le Pacte pour la lutte contre le gaspillage insistait déjà sur la formation initiale dans les lycées agricoles et hôteliers. Depuis, des progrès réels ont été faits chez les traiteurs et dans la restauration commerciale.

Quant à la loi, elle a été votée à l’unanimité. Cela vaut d’être souligné. Le texte pose des principes et énonce des règles. Il vise à faire sauter certains verrous, à interdire certaines pra-tiques et à encourager les acteurs : consommateurs, grande distribution, industriels, producteurs, restaurateurs commer-ciaux et collectifs. 
Le cadre juridique, la communication et la formation sont des leviers importants. Il faut bien sûr y ajouter l’éducation des enfants et l'information des consommateurs. Sur ces deux der-niers points, le texte prévoit des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires. Par ailleurs, les Ministères de l’Agriculture et de l’Écologie travaillent sur les règles applicables aux dates limites de consommation des denrées alimentaires. 

De nombreuses mesures concernent la grande distribution. Y a-t-il eu également une réflexion menée sur l’artisanat du commerce alimentaire ? 

C’est vrai que, dans un premier temps, le texte insiste sur le rôle des grandes surfaces. Je compte sur la force d’entrainement de la grande distribution, mais les artisans n’ont pas été oubliés pour autant. J’ai auditionné de nombreux représentants des petits commerces alimentaires. Ils se sont montrés, dans l’en-semble, très intéressés, même s’ils se heurtent à la question des filières de ramassage, les points de collecte étant, par définition, atomisés. De ce fait, les acteurs du petit commerce se reconnaissent plutôt dans de bonnes pratiques individuelles. Dans mon département, en Mayenne, par exemple, en milieu rural, les boulangers distribuent souvent des sacs de pain sec pour l’alimentation animale. Il s’agit là d’une pratique banale et très répandue. Pour développer, généraliser et organiser ce type de pratiques, il faut mettre en place des moyens logistiques sim-ples et peu coûteux. En effet, la lutte contre le gaspillage passe, non seulement par la mise en relation des bons acteurs, mais aussi par la possibilité de mobiliser, à l’échelle locale, les équi-pements nécessaires : moyens de transport, capacités de stockage… Elle doit reposer sur la proximité et la confiance et bénéficier d’un soutien politique fort afin de créer et animer une dynamique territoriale. La loi, qui sera discutée au Sénat, incite les collectivités à se saisir de cet objectif. 

Outre la question de la collecte, il semble que le don de pain se heurte au problème de la défiscalisation, à la différence des invendus de produits primaires, tels que les fruits et légumes pour lesquels cette défiscalisation est possible. Quelle réponse pouvez-vous apporter ?

Il n’y a pas de raison que les dons alimentaires de pain n’entrent pas dans le champ de la défiscalisation. Il s’agit probablement là d’une mauvaise interprétation des textes. J’interviendrai auprès du Ministère des Finances pour clarifier ce point. 
De façon générale, je voudrais souligner que la lutte contre le gaspillage préfigure une nouvelle économie faisant des inven-dus une ressource. C’est aussi un nouveau mode de production et de consommation qui relève à la fois de l’économie cir-culaire et de l’économie de proximité.
Aujourd’hui, les bonnes volontés ne suffisent plus. Nous avons besoin d’une mobilisation collective pour bâtir cette politique et ce nouveau modèle. Le but est de créer une dynamique, d’ame-ner à une prise de conscience, de valoriser des pratiques jusqu’ici banales – désormais vues comme vertueuses et valorisantes –, de les encourager et de les développer. Notre objectif commun est de diviser par deux le gaspillage alimentaire d’ici 2025.

Vous êtes vous-même consommateur de pain, comment faites-vous pour ne pas le gaspiller ? 

Pour le petit déjeuner, je grille chaque matin le pain de la veille.


07/12/2016


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