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Histoire de la
nutrition

Jean-Michel Lecerf, médecin endocrinologue et nutritionniste de l’Institut Pasteur de Lille, retrace, à notre demande et à grands traits, l’histoire de la nutrition.

Jean-Michel Lecerf, médecin endocrinologue et nutritionniste de l’Institut Pasteur de Lille, retrace, à notre demande et à grands traits, l’histoire de la nutrition.

Dans l’Antiquité

C’est avec l’apparition de l’écriture que nous avons connaissance des premiers principes de nutrition. Dans la Bible, l’Ecclésiaste fait l’éloge de la tempérance « (…) Beaucoup sont morts d’avoir trop mangé. Celui qui se surveille prolonge sa vie ».
Chez les grecs, la nutrition est déjà une préoccupation. Hippocrate affirme « Que vos aliments soient vos remèdes ». Il donne ainsi naissance à la diététique, de Dieta « genre de vie », ce qui permet d’englober le style de vie, concept cher à la nutrition préventive aujourd’hui. Pour Platon, philosophie et diététique se rejoignent dans « Les dialogues ». Il affirme que l’excès est responsable de nombreux maux et énonce le principe de modération.
A l’époque romaine, le principe d’incorporation domine,  notamment pour l’alimentation des sportifs. Selon leur forme, leur origine, leur nature, certains aliments sont plus indiqués que d’autres : on recommande aux lutteurs de manger du buffle, aux sauteurs de la gazelle, aux coureurs du lièvre… Il s’agit d’acquérir les qualités de l’animal selon le principe « nous devenons ce que nous mangeons ».

Du Moyen-Age au XIXe siècle

Au Moyen-Age, l’école de Salerne (XIe et XIIe) formule des préceptes de bon sens. De son côté, au XIIe siècle, Sainte Hildegarde de Bingen énonce de nombreux principes alimentaires et affirme que « Nos aliments doivent être nos forces curatives ». Elle insiste sur la qualité, l’origine et le respect des aliments. Le Moyen-Age est aussi l’époque de la hiérarchie sociale et spirituelle des aliments : pour les priants, frugalité, pour les combattants, viandes rôties, grillées, épices et grands oiseaux, pour les paysans, légumes terreux, légumes secs et basse-cour.
À la Renaissance, Paracelse, médecin et alchimiste, énonce le fameux principe « Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison », toujours valable aujourd’hui. Au XIXe siècle, on découvre les causes infectieuses des maladies et celles liées à l’environnement et au mode de vie. Il faut manger suffisamment pour être en bonne santé. On se méfie des aliments contaminés par des microbes.



Depuis le XXe siècle

Le début XXe, avant la seconde guerre mondiale, est marqué par la lutte contre les carences : une bonne nutrition, c’est ne manquer de rien. Entre 1930 et 1950, l’école française de nutrition a commencé à mener des expérimentations cliniques, à réaliser des enquêtes alimentaires et à développer la notion de ration. Les Américains, de leur côté, pensaient déjà « nutriments » et commençaient à enrichir les rations des GI’s en vitamines et autres nutriments. 



Mais tout au long du XXe siècle, l’ignorance et le scientisme ont prévalu. Au début du siècle, guérir équivaut à supprimer un organe ou un membre. On supprimait plutôt que de corriger. Dès lors, la diététique suit le même mouvement : on interdisait le sucre aux diabétiques, par exemple. Au milieu du siècle, guérir égale remplacer : le coeur, les poumons... C’est le règne de la médecine réparatrice et de la toute-puissance des médicaments : le transit, le sommeil sont ainsi régulés. La diététique est alors sous-considérée, même si commencent à émerger des études épidémiologiques. On ne connait pas la prévention. L’hygiène de vie est au second plan. Les médecins s’intéressent peu à la question face à laquelle ils restent passifs : la nutrition, c’est compliqué, on n’en mesure pas tout de suite les effets !
Aussi le monde non-médical s’empare-t-il des questions de nutrition. C’est ainsi qu’apparaissent, en réponse à l’augmentation de l’obésité notamment, nombre de régimes pour maigrir.
Puis le monde médical recommence à s’intéresser à la nutrition, mais par le petit bout de la lorgnette. On a cru que l’on pouvait aborder la question par les nutriments (protéines, glucides, lipides). C’est le temps des injonctions et des raccourcis : il faut supprimer le gras et le sucre… Or, depuis 15 ans, on s’aperçoit que les nutriments ne sont qu’un aspect de la question. Il faut tenir compte de leur origine, des structures qui les associent, de l’individu qui les consomme et de nombreux autres facteurs : le comportement de l’individu en question, la quantité, la nature des aliments…
Pendant un temps, le pain a été accusé de faire grossir. Il constituait une explication simple à certains problèmes de santé et a fait office d’accusé numéro un parce qu’il contient de l’amidon et des glucides, alors que le pain, de par sa complexité, est un aliment intéressant, riche en fibres notamment.

Aujourd’hui, il faut sortir des explications simplistes et aller vers des connaissances plus fines en considérant les aliments dans leur complexité et non pas seulement comme une somme de nutriments. Il faut allier variété de l’alimentation et modération. On a maintenant des certitudes sur les principes de base de la nutrition. Pourtant, des hérésies alimentaires apparaissent et tendent à bannir certains aliments. En réalité, seuls les aliments non comestibles sont mauvais.

Mais l’alimentation est un sujet sensible : 65 millions de Français, 65 millions d’avis différents ! Là, comme dans de nombreux autres domaines, l’éducation est fondamentale. 

11/12/2018


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