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L’obésité en France

Un problème majeur de santé publique
Patrick Sérog, médecin nutritionniste, commente l’enquête « Cohorte Constances »

Comment définit-on le surpoids et l’obésité ?
Il existe des définitions officielles du surpoids et de l’obé-sité, basées sur l’indice de masse corporelle (IMC). Le sur-poids correspond à un IMC situé entre 25 et 30 kg/m2 et l’obésité au-delà de 30 kg/m2. On distingue ensuite différents degrés chez les personnes obèses : de 30 à 35 kg/m2, de 35 à 40 kg/m2 et au-delà de 40 kg/m2. Il faut cependant nuancer : ces définitions ne sont pas toujours adaptées à l’échelle de l’individu. En effet, des personnes ayant une masse musculaire très importante, comme les rugbymans, par exemple, présentent un IMC élevé, sans pour autant être en surpoids. Par ailleurs, il existe dans la population des phénotypes d’obésité sains. Ces définitions sont cependant très pertinentes pour repérer des populations à risque.

Précisément, quels sont les risques ?
Ils sont nombreux et variés : pathologies cardio-métaboliques (cholestérol, triglycérides, diabète de type 2, hypertension artérielle), pathologies articulaires, dépression et de nombreux cancers.

Selon les études précédentes*, la prévalence de l’obésité avait augmenté de 76,4% entre 1997 et 2012, comment expliquer ce bond ?
On l’explique par plusieurs facteurs. Au cours de cette période, l’alimentation a changé. Du fait de la mondialisation, de nouveaux produits sont apparus dont la composition nutritionnelle était souvent très différente de celle des aliments consommés de façon traditionnelle. Par exemple, les plats japonais sont arrivés. Initialement faibles en graisse, ils ont été peu à peu adaptés au goût des Français. Leur composition est devenue moins saine. Les plats industrialisés diffèrent, par leur composition, des plats traditionnels : moins de viande ou de poisson et plus de féculents. Par ailleurs, on note une diminution de l’activité physique au cours de cette même période : moins de marche à pied avec l’évolution des modes de transport et peu d’encouragement de la part des pouvoirs publics à pratiquer un sport. Enfin, les gens les moins aisés, qui, avant les années 1950, se nourrissaient beaucoup à base de féculents, de légumes secs, de pain, se sont tournés vers les produits peu chers que sont aujourd’hui les aliments gras et sucrés, provoquant une prise de poids rapide.

Quelles tendances la nouvelle enquête menée auprès d’affiliés au régime général de la sécurité sociale (la Cohorte Constances) a-t-elle fait apparaître ?
Tout d’abord, elle révèle une relative bonne nouvelle : la prévalence de l’obésité est stable, autour de 15% de la population française, un chiffre meilleur que ceux de la Grande-Bretagne et de l’Espagne, par exemple, qui dépassent les 20%. Manifestement, les différentes campagnes publiques sur les comportements alimentaires et sur la nécessité de pratiquer une activité physique ont porté leur fruit. En revanche, l’étude met en évidence une tendance préoccupante : une grande disparité économique qui se tra-duit aussi du point de vue géographique. Pour les ménages dont les revenus sont inférieurs à 450 euros par mois, le taux d’obésité atteint 30%, alors qu’il tombe à 18,6% pour des ménages dont les revenus se situent entre 1 600 et 2 100 euros et à 7% pour ceux dont les revenus dépassent 4 200 euros. Par ailleurs, alors que ce taux est de 10,7% à Paris, il est de 25,6% dans le Nord ; ce qui correspond égale-ment à une différence importante de niveaux de vie dans la moyenne de la population.

L’étude met en évidence une prévalence du surpoids beaucoup plus important chez les hommes que chez les femmes (41% contre 25,3%), alors que la prévalence de l’obésité est quasiment la même (15,8% contre 15,6%), pourquoi ?
Cela est certainement dû au fait que la prise de poids chez les hommes est plus progressive que chez les femmes. Ces dernières prennent du poids par à-coups, en fonction du cycle hormonal : au moment des grossesses et de la ménopause notamment. Un homme ne se voit pas grossir et ressent moins la nécessité de contrôler son alimentation. Aussi, à un instant « t », il est plus probable de diagnostiquer un surpoids chez un homme que chez une femme.

Quel rôle le pain peut-il jouer dans la prévention du surpoids et de l’obésité ?
Le pain ne contient pas de graisse, uniquement de l’amidon. Il est l’aliment typique de notre culture basée, en Europe, sur le blé, alors qu’elle est basée sur le riz en Asie et sur le maïs en Amérique. C’est un aliment métabolique-ment bon qui peut apporter une part importante des 50% de glucides de la ration énergétique journalière nécessaire à une personne. Manger du pain, c’est revenir à une alimentation qui est inscrite dans nos gènes : on l’a vu, c’est la mondialisation et le développement économique rapide des années 1950 qui ont engendré, en grande partie, le phénomène de l’obésité. L’homo sapiens que nous sommes n’a pas eu le temps de s’adapter aux transformations rapides des conditions de vie nutritionnelles, technologiques et sociales. Le pain, consommé de façon raisonnable (½ à ¾ de baguette par jour), fait partie des aliments qui peuvent éviter une prise de poids trop importante, voire aider les personnes en surpoids à revenir à une corpulence normale car il permet d’éviter de consommer en trop grandes quantités des aliments gras et sucrés.


Méthode de l’étude « Prévalence du surpoids, de l’obésité et des facteurs de risques cardio-métaboliques dans la Cohorte Constances »
La Cohorte Constances est une cohorte épidémiologique généraliste constituée d’un échantillon cible de 200 000 adultes âgés de 18 à 69 ans affiliés au régime général de l’assurance maladie. Elle représente environ 85% de la population française : elle exclut les affiliés au régime agricole et les indépendants. Pour les besoins de l’étude sur le surpoids et l’obésité, un tirage au sort a été effectué parmi les affiliés âgés de 30 à 69 ans en 2013 et vivants en juillet 2014 (l’effectif de la cohorte des 18-29 ans s’étant avéré insuffisant). Au total, 28 895 personnes ont été examinées. Le poids, la taille, l’IMC et le tour de taille ont été mesurés. Par ailleurs, l’information sur le revenu mensuel net du foyer a été recueillie par questionnaire.

03/03/2017


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